Communiqué de presse inter-associatif – Paris, le 29 mars 2022

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous avons été témoins de nombreux discours de solidarité, d’appels aux dons et de mesures exceptionnelles pour accueillir les personnes fuyant la guerre en Ukraine. Dans les pays européens limitrophes, mais aussi en France, l’accueil s’organise, et les Etats se préparent à l’arrivée d’exilé·es ukrainien·nes de plus en plus nombreux·ses. Cette mobilisation est salutaire. Nous, associations œuvrant à l’accueil des personnes exilées, faisons tout notre possible pour accueillir dignement les personnes affectées par cette guerre et poursuivrons nos efforts aussi longtemps qu’ils seront nécessaires.

Nous saluons l’activation de la protection temporaire par l’Union européenne dans le cadre de cette guerre. Nous regrettons qu’elle ne l’ait pas été pour protéger les personnes fuyant massivement des conflits armés par le passé (Syrie, Afghanistan, …), malgré les demandes récurrentes des associations. De la même manière, nous regrettons le choix de la France de n’accorder automatiquement ce régime de protection qu’aux ressortissant·e·s ukrainien·ne·s et aux personnes reconnues comme réfugiées en Ukraine. Nous souhaitons, au contraire, qu’elle soit étendue à toutes les personnes fuyant cette guerre. 

Nous nous réjouissons que ce régime exceptionnel, tel que nous le voyons à l’œuvre à Paris, soit en adéquation avec les recommandations formulées par nos associations et acteur·rices de terrain depuis plusieurs années : l’installation dans le pays de son choix, une facilité d’accès à l’hébergement, un accès à la santé immédiat, le droit de travailler, l’ouverture d’une allocation financière sans délai et la gratuité des transports. Ces conditions de premier accueil doivent être garanties à toutes les personnes en besoin de protection. Dernier en date, le rapport Les oubliés du droit d’asile, met en lumière les conséquences désastreuses d’une politique d’accueil lacunaire sur les personnes exilées. Block: Texte + ImageTexte

Dans ce contexte, nous nous interrogeons sur les conditions de pérennisation des mesures aujourd’hui mises en place et l’impact de cette mobilisation exceptionnelle sur les autres dispositifs d’accueil. Si ce nouvel élan d’accueil est insuffisamment soutenu financièrement, les dispositifs destinés aux exilé·e·s fuyant la guerre, qui relèvent de la compétence de l’Etat, continueront de reposer très largement sur des bénévoles et des professionnel·le·s de structures d’accueil déjà fortement sollicitées. Par ailleurs, le sous-dimensionnement des capacités d’accueil des demandeurs·ses d’asile en région parisienne contraint déjà environ 500 personnes exilées à survivre en campements et 800 personnes à habiter en squat. Nous craignons en outre que les listes d’attente des structures orientant les personnes vers ces solutions d’hébergement et d’accompagnement s’allongent de manière conséquente.  

Pour que la mise en place d’un accueil digne soit la règle dans notre pays et ne reste pas une mesure d’exception, nous appelons les pouvoirs publics, l’Etat et les collectivités locales, à sortir d’une politique d’urgence et de réaction. Les dispositifs mis en place pour accueillir les personnes fuyant la guerre en Ukraine témoignent de la possibilité d’offrir un accueil digne pour toutes et tous. Des mesures immédiates et durables doivent être prises dans le respect des engagements internationaux de la France, en faveur de toutes les personnes qui demandent une protection, et ce de manière inconditionnelle.

Liste des associations signataires :


Action contre la Faim
ASILE
Caracol
Causons
COMEDE
Dom’Asile
Droit Au Logement
Emmaüs France
Fondation Armée du Salut
Famille France-Humanité
Fondation Abbé Pierre
Kolone
La Casa Paris
La Chorba
La Cimade Ile-de-France
La Gamelle de Jaurès
Le Chêne et l’Hibiscus
LTF
Médecins du Monde
Médecins Sans Frontières
Nouvelle Page
O-CR (Observatoire des Camps de Réfugiés)
Pantin Solidaire
Paris d’Exil
Première Urgence Internationale
Réfugiés bienvenue
Samusocial de Paris
SAWA
Secours Catholique, Délégation de Paris
Solidarité Migrants Wilson
Thot
UniR
United migrants
Utopia 56
Watizat
Yes we camp


Contact presse :
Maxime KLETHI – Fondation de l’Armée du Salut : 06 23 19 33 01 / maxime.klethi@armeedusalut.fr

Communiqué de presse de l’ODSE – Le 21 mars 2022

La suppression du délai de carence de trois mois pour l’accès à l’assurance maladie des Ukrainiens et Ukrainiennes illustre l’absurdité des décisions prises en 2019-2020 retardant l’accès aux soins et à la santé des personnes en demande d’asile ou en situation précaire de séjour.

Face à la guerre qui sévit en Ukraine, nos associations se félicitent des nombreuses initiatives solidaires et des mesures prises pour faciliter l’accès aux droits et aux soins des personnes fuyant l’Ukraine. [1]

Il est nécessaire que des personnes contraintes de prendre la route de l’exil bénéficient d’un accès à la santé et aux soins adapté à leurs besoins dès leur arrivée en France. Il est heureux que les pouvoirs publics aient décidé de ne pas opposer le délai de carence de trois mois pour accéder à l’assurance maladie aux personnes bénéficiaires de la protection temporaire et aux personnes de nationalité françaises venant d’Ukraine. Mais cette mesure illustre a contrario l’injustice et la discrimination du choix exactement inverse qu’a fait le gouvernement en 2020 : imposer un délai de carence de 3 mois aux demandeurs-ses d’asile [2] ou encore retarder l’accès à l’Aide médicale de l’Etat [3].

Nos associations avaient vigoureusement dénoncé à l’époque ces décisions [4] . Elles faisaient valoir que retarder ou empêcher l’accès aux soins est un non-sens éthique, sanitaire et économique. L’accès à la santé et aux soins doit être universel et inconditionnel. En créant des obstacles à l’accès aux soins et à la santé d’un public déjà fragilisé, ces mesures pénalisent la santé individuelle, à terme la santé publique ainsi que les services hospitaliers et s’avèrent en définitive plus coûteuse pour les finances publiques.

Les associations membres de l’ODSE demandent que les mesures facilitant à juste titre l’accès aux soins des Ukrainiens et Ukrainiennes s’appliquent à toutes les personnes exilées. Elles demandent la suppression de toute disposition visant à retarder l’ouverture des droits à la santé, en particulier pour toutes les personnes fuyant les persécutions, quelle qu’elles soient et sans discrimination.

[1] « Protection temporaire pour l’Ukraine : encore des efforts pour être à la hauteur des enjeux », Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), 18 mars 2022

Notes

[2] Décret n° 2019-1531 du 30 décembre 2019 relatif à la condition de résidence applicable aux demandeurs d’asile pour la prise en charge de leurs frais de santé

[3] En particulier, l’exigence d’une condition d’ancienneté de la situation d’irrégularité du séjour de plus de 3 mois. Article L.251-1 du code de l’action sociale et des familles modifié par la loi de de finances pour 2020.

[4Le gouvernement s’apprête à dégrader la santé des personnes étrangères : le cri d’alarme des associations, ODSE, Emmaüs Solidarité, Fédération des acteurs de la solidarité, France Assos Santé, communiqué, 31 octobre 2019 ; L’Aide médicale d’Etat : un filet de sécurité pour la santé publique à ne pas restreindre, communiqué interassociatif, 6 octobre 2019 ; La mise en danger de la santé des étrangers pour servir une politique migratoire !, annonces du Premier ministre sur l’accès aux soins des personnes étrangères, communiqué, 6 novembre 2019 ; L’accès aux soins des étrangers en France, méthodiquement raboté par le gouvernement, Le Monde, 26 novembre 2020 ; « La réforme de l’aide médicale d’Etat est une triple faute morale, économique et sanitaire », Tribune d’un collectif de plus de 500 professionnels de santé, Le Monde, 16 février 2021

Communiqué de presse – Coordination Française pour le Droit d’Asile – vendredi 18 mars 2022

Les ministres de l’intérieur, de la santé, du logement et de la citoyenneté ont diffusé une instruction conjointe en date du 10 mars 2022 sur l’application de la protection temporaire pour les personnes en provenance d’Ukraine.

Plus de trois millions de personnes ont fui l’invasion du pays par l’armée russe. Les pays d’Europe centrale et orientale en accueillent le plus grand nombre. Parce que la France a une tradition d’asile et parce qu’elle préside le conseil de l’Union européenne pour six mois, elle doit être exemplaire dans la réponse à celles et ceux qui fuient la guerre et les persécutions.

Concernant la protection temporaire, la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) qui avait demandé à plusieurs reprises son application pour les personnes fuyant la guerre civile en Irak, en Libye ou en Syrie, salue son activation pour la première fois en vingt-et-un ans, pour les ressortissant·e·s ukrainien·ne·s et les réfugié·e·s qui résidaient en Ukraine avant le 24 février 2022.

Cependant, les personnes qui ont demandé asile en Ukraine sont exclues de son bénéfice et invitées à solliciter l’asile dans le premier pays européen où leurs empreintes sont relevées, en raison de l’application du règlement Dublin. Quant aux résident·e·s étranger·e·s en Ukraine, la décision du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 2022 conditionne l’application de la protection temporaire à l’impossibilité de «retour dans des conditions sûres et durables» dans le pays d’origine. Cette notion, qui n’a pas été clairement définie, est laissée à l’appréciation au cas par cas des préfectures, ce qui fait craindre un traitement inégalitaire des situations d’un département à l’autre. Pour la CFDA, cette notion ne doit pas être restreinte aux seuls risques pour la vie et pour la liberté mais tenir compte de la possibilité ou non de mener une «existence normale», notamment celle possibilité de travailler ou d’étudier [1].

La CFDA demande que la protection temporaire soit étendue à tous les ressortissant·e·s non ukrainien·ne·s qui résidaient en Ukraine et qui ont dû fuir le pays, notamment les personnes qui y ont demandé asile ou y étudiaient, comme le permet la directive européenne sur la protection temporaire.

Concernant l’accueil et l’hébergement, la CFDA salue la mobilisation citoyenne exceptionnelle pour les réfugié·e·s en provenance d’Ukraine et les propositions d’hébergement citoyen. Ce dernier doit être structuré et accompagné et ne peut constituer une réponse pérenne. Les pouvoirs publics doivent organiser un dispositif d’accueil à la hauteur, avec la création massive de places d’hébergement ou de logement, en concertation avec l’ensemble de la société civile mobilisée. Les acteurs institutionnels et associatifs doivent être renforcés pour être en mesure de proposer un accompagnement global, dans la durée, afin d’assurer l’autonomie et l’insertion sociale et linguistique des personnes, ainsi qu’un suivi médical et psychologique. Un pilotage interministériel est nécessaire pour répondre aux besoins globaux des réfugié·e·s.

Concernant l’accès au marché du travail, la CFDA demande une simplification de la procédure pour garantir le droit effectif et rapide au travail.

Concernant les demandes d’asile ou de réexamen des personnes ukrainiennes ou opposantes russes ou biélorusses, déjà présentes en France ou qui viennent d’arriver, elles doivent être enregistrées et examinées dans les meilleurs délais. Les examens des dossiers ne doivent pas être gelés, comme cela semble être le cas à la Cour nationale du droit d’asile. Dans tous les cas, les personnes doivent bénéficier des conditions matérielles d’accueil pour subvenir à leurs besoins.

Concernant les opposants et opposantes à la guerre en Russie, la France doit protéger les personnes qui cherchent en ce moment à fuir la Russie par crainte de persécutions en raison de leur objection de conscience à la guerre d’invasion, notamment en leur délivrant des visas au titre de l’asile dans les consulats français de Russie ou des pays limitrophes.

Pour les personnes ukrainiennes en transit vers le Royaume-Uni, les autorités françaises doivent intervenir auprès du Gouvernement britannique pour qu’elles puissent rejoindre ce pays sans être soumises à un visa.

La solidarité vis-à-vis des personnes qui fuient l’Ukraine doit inspirer la politique publique en matière d’asile. Elle ne doit pas se faire au détriment des demandeurs d’asile et réfugiés d’autres nationalités, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’hébergement, les délais d’instruction des dossiers ou l’accès aux droits comme les conditions matérielles d’accueil ou l’assurance maladie.

La Coordination française pour le droit d’asile rassemble les organisations suivantes : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT); Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE); Amnesty International – Section Française; Association pour la Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles et trans à; l’Immigration et au Séjour (Ardhis); Association d’avocats liés au Conseil Européen pour les Réfugiés et Exilés (Elena-France); La Cimade (Service œcuménique d’entraide); Comité pour la santé des exilés (Comede); Dom Asile; Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s (Fasti); Groupe accueil et solidarité (Gas); Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (Gisti); Jesuite Refugee Service (JRS-France); Ligue des droits de l’Homme (LDH); Médecins du Monde; Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap); Centre Primo LeviSecours Catholique (Caritas France)

Sont également signataires :

  • Association d’Accueil des Demandeurs d’Asile (AADA)
  • Centre d’action social protestant (Casp)
  • Comité meusien d’accueil des demandeurs d’asile (COMADA)
  • Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)
  • Fédération de l’entraide protestante (FEP)
  • Forum réfugiés-Cosi
  • France terre d’asile (FTDA)
  • Français langue d’accueil (FLA)