Face à la deuxième vague du COVID-19, le gouvernement ne peut pas restreindre l’accès aux soins des personnes étrangères
Communiqué de presse inter-associatif – UNIOPS – ODSE – Mutuelles de France – Fédération des Acteurs de la Solidarité – France Assos Santé – Sidaction
En pleine crise sanitaire et sociale, le gouvernement publie un nouveau décret réduisant l’accès à la protection maladie des personnes étrangères.
Depuis le début de l’année, le gouvernement s’est déjà attaqué à la protection maladie des demandeurs-ses d’asile en instaurant un délai de carence, qui durcissait les conditions d’accès à l’aide médicale d’Etat (AME) et, amorçait une fragilisation de l’accès aux soins des personnes étrangères en situation régulière en France. Après les mesures adoptées fin 2019, c’est maintenant au travers de décrets techniques, qu’est restreinte la protection de la santé des étrangers-ères.
Avec ce décret publié au journal officiel, coïncidence, certes, mais ô combien symbolique, dans les premiers jours du re-confinement, c’est au tour du mécanisme légal de prolongation des droits à la prise en charge des frais de santé par l’assurance maladie d’être raboté. En pratique, ce sont 800 000 personnes étrangères, détentrices de titres de séjour renouvelés chaque année, qui vont être impactées. Ces personnes disposaient auparavant d’un délai pour produire leur nouveau titre de séjour à la caisse d’assurance maladie. Le délai de prolongation des droits permettait avant tout de pallier les carences des préfectures qui ne délivrent pas à temps les documents pourtant prévus par la réglementation et permettant de justifier de la régularité du séjour des étrangers-ères. Pour les milliers de personnes visées par cette mesure, cela signifie des démarches répétées et épuisantes et, in fine, représente un surcroit de travail de gestion pour les caisses.
Ce nouveau décret met également en œuvre des restrictions de l’AME, dans le prolongement des décisions prises précédemment.
Ces durcissements successifs sont pris alors même que toutes les études montrent que les personnes étrangères font d’ores et déjà face à des obstacles importants pour accéder aux droits et aux soins et sont plus exposés aux risques de santé.
Loin de la rationalisation et de l’efficience des mécanismes de protection maladie, le gouvernement développe une politique de découragement et d’usure administrative conduisant à priver des usagers-ères de toute protection maladie. L’incitation au « non- recours » aux droits et aux soins ne peut fonder une politique de protection de la santé respectueuse de la dignité humaine, de la continuité des soins et de la préservation de la santé publique.
Nos organisations demandent :
– la sécurisation du parcours de soins des personnes étrangères ;
– le retour au mécanisme du maintien de droits de douze mois à l’Assurance Maladie ;
– la suppression des obstacles à la demande d’AME telle que l’obligation du dépôt en personne.
Contacts presse :
COMEDE : Didier Maille – didier.maille@comede.org – 06 51 33 65 93
Médecins du Monde : Fanny Mantaux – fanny.mantaux@medecinsdumonde.net – 06 09 17 35 59
Sidaction : Marine Charlier – m.charlier@sidaction.org – 01 53 26 45 36
Référence :
– Décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 relatif à l’aide médicale de l’Etat et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France
– « Le gouvernement s’apprête à dégrader la santé des personnes étrangères : le cri d’alarme des associations », communiqué inter-associatif, 31 octobre 2019 https://www.odse.eu.org/spip.php?article178 .
Que prévoit ce décret ?
Le décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 relatif à l’aide médicale de l’Etat et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France :
– entérine la réduction du mécanisme légal de prolongation des droits à la prise en charge des frais de santé par l’assurance maladie
Le gouvernement avait déjà réduit ce mécanisme de 12 mois à 6 mois depuis le 1 er janvier 2020. Ce décret le réduit à deux mois lorsque la personne a fait l’objet d’une mesure d’éloignement devenue définitive. Cette mesure technique en apparence anodine va pourtant avoir des conséquences très graves en matière d’accès aux soins. Par exemple pour les demandeurs d’asile, privés de carte vitale depuis 2017, leur attestation de droit sous format papier ne permettra plus d’attester de l’ouverture de leurs droits puisqu’ils auront pu être fermés entretemps. Pour les professionnels de santé, l’échéance figurant sur une attestation ne présentera aucune garantie de remboursement, ce qui ne pourra que conduire à des difficultés accrues pour accéder aux soins pour un public souvent discriminé.
– restreint les conditions d’accès à l’AME dans le prolongement des modifications législatives précédentes
Dans le fil des discours selon lesquels des étrangers viendraient en France pour bénéficier du prétendu système avantageux que représenterait l’AME, le décret exclu certains soins ne revêtant pas un caractère d’urgence durant les neuf mois de la première admission à l’AME, sauf à obtenir un accord préalable de la caisse de sécurité sociale. Cette mesure accentue un traitement inégal qui pourrait préfigurer des exclusions futures y compris pour les assurés sociaux.
Alors que l’accès aux mécanismes de protection sociale se dématérialise, le décret oblige désormais les personnes à venir déposer physiquement leur première demande d’AME, y compris quand ils habitent à l’autre bout du département, dans un unique objectif de lutte contre les prétendus abus et fraudes qui ne sont pas démontrés. Cette mesure intervient alors que la France entre dans une deuxième période de confinement national et que les déplacements doivent être limités, ce qui est un non-sens en termes de santé publique.
Il existe toutefois des exceptions en cas d’hospitalisation auprès de l’établissement médical, ou en cas de suivi au sein d’une permanence d’accès aux soins de santé (PASS), pour les mineurs, ou en cas d’impossibilité de se déplacer. Ces durcissements vont à l’encontre des constats selon lesquels la moitié des personnes éligibles à l’AME n’en dispose pourtant pas.